Le Monde Sauvage soutient la Maison des femmes

 

 

À l’occasion de notre vente solidaire de tapis moldaves au profit de la Maison des femmes, nous avons souhaité échanger avec sa fondatrice Ghada Hatem : son engagement au quotidien, ses actions concrètes, sa vision de la solidarité entre femmes, ses espoirs, ses projets. Conversation avec une femme qui se bat pour les femmes.

 

© Crédit photo : Louise Oligny

 

 

Bonjour Ghada et encore merci d’avoir accepté notre proposition de vente solidaire de tapis moldaves au profit de la Maison des femmes. Pouvez-vous vous présenter ?

Merci à vous pour cette si belle proposition ! Je suis gynécologue-obstétricienne, née au Liban et venue en France faire des études de médecine. Mon métier c’est de m’occuper de la santé des femmes, que ce soit autour de la naissance, de la reproduction et de ses difficultés ou encore des cancers gynécologiques et de leur prévention.

Comment est née la Maison des femmes ? Quel a été le déclic ?

Notre métier est en partie technique, mais la plupart de nos consultations sont dédiées à l’écoute de nos patientes, car tous les événements de leur vie peuvent interférer avec leur santé. Ainsi, les situations de violence ont un impact très fort sur cette dernière et doivent être repérées et gérées de manière très directe. C’est en comprenant cet enjeu, qui ne nous est pas expliqué durant nos années d’études, que j’ai eu envie de créer un lieu dédié à cette prise en charge.

 

 

Quel est le profil des femmes qui poussent la porte de la Maison des femmes ? Combien de femmes accueillez-vous chaque jour ? 

Bien sûr la précarité, l’origine étrangère ou le très jeune âge aggravent la vulnérabilité.

Mais toutes les femmes, quels que soient leur âge, leur niveau d’éducation ou leur situation sociale, peuvent être concernées un jour par la violence, il suffit qu’elles soient repérées et harponnées par un agresseur.

50 à 80 femmes viennent chaque jour à la Maison des femmes, pour une consultation, pour participer à un groupe de paroles ou bénéficier d’un atelier d’amélioration de l’estime de soi.

Quelle est votre journée type ?

Ma journée type ressemble un peu à une tornade. C’est une superposition dans le désordre de consultations ou d’actes au bloc opératoire, de réponses à des appels à projets, d’interviews, de résolutions de problèmes d’organisation, de supervision des travaux d’extension, d’interventions scolaires ou de correction de travaux d’étudiants. Mais quand à la fin tout est en place, c’est magique ! En réalité ce qui me tient le plus à cœur, c’est que tout soit fait le mieux possible, que rien ne soit laissé au hasard.

Quelle place est réservée aux enfants au sein de la Maison des femmes ?

80 % des femmes sont mères, et les enfants sont très présents dans notre structure. Malheureusement, je n’avais pas bien anticipé cette présence et nous ne disposons ni de lieu qui leur soit dédié, ni des compétences nécessaires. Certes, nous avons mis en place une consultation mensuelle de pédiatrie pour leur offrir un bilan, une première évaluation avant de les orienter. Ils sont, eux aussi, de petites victimes car même si l’on ne subit pas de violences physiques directes, vivre dans un foyer violent impacte votre santé physique et psychique, sans oublier les violences sexuelles qui restent une tragédie bien trop silencieuse. C’est pourquoi nous avons le projet de créer un espace rien que pour eux, avec des professionnels dédiés et formés.

 

 

Quel est votre ressenti quant à la solidarité entre femmes dans notre société ?

Les femmes ne sont pas toujours solidaires dans notre société, mais la compétition qui leur est imposée dans tous les domaines ne les y incite pas. J’ai néanmoins le sentiment que les choses bougent, que des réseaux de solidarité à canaux multiples se mettent en place.

Il me semble que l’objectif final de cette solidarité, ce qu’elle permettrait si elle était correctement déployée, serait immense.

Une image me vient, ces milliers de femmes argentines au coude-à-coude dans les rues pour exiger le droit d’avorter dans le film Femmes d’Argentine (Que sea ley) du cinéaste argentin Juan Solanas. Un raz-de-marée d’une puissance infinie !

Pensez-vous qu’un jour nous n’aurons plus besoin de la Maison des femmes ?

C’est un vœu pieux. Mais on peut espérer que les actions de prévention de la violence et de lutte contre le sexisme et la masculinité toxique devraient, un jour, nous permettre de nous en passer. La vraie question, c’est quand ?

D’après vous quelle est l’action que chacune d’entre nous peut mener pour apporter son petit grain de sable à l’édifice ?

La vigilance ! Ce que les chiffres nous disent sans aucune ambiguïté, c’est que nous sommes certainement entourés de victimes. Et ce que nous savons de la stratégie de leurs agresseurs, c’est que le silence qui est imposé à ces victimes peut devenir assourdissant. Ouvrons nos yeux et nos oreilles, boostons notre empathie.

Une main tendue, c’est parfois le début d’une renaissance.

 

 

Avez-vous d’autres projets ? Quelles sont les prochaines étapes pour la Maison des femmes ?

J’ai UN grand projet : que des structures similaires soient déployées sur l’ensemble du territoire, au sein des maternités qui sont des lieux ressources « naturels » pour les femmes. Par leurs actions de soin, d’accompagnement et de prévention, ces structures sont un des outils nécessaires dans la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

Et la prochaine étape pour la Maison des femmes, c’est la fin de nos travaux d’extension, leur aménagement que je souhaite le plus chaleureux possible, et enfin, si l’État nous y autorise, l’ouverture d’un accueil 24h/24 pour les victimes de violences sexuelles.

À quoi destinez-vous les bénéfices de cette vente aux enchères ?

Les bénéfices de cette vente aux enchères sont destinés à aménager notre futur espace « enfants ».

Ce sera un espace de répit pour les femmes et les enfants que nous ouvrirons dans l’extension, qui viendra doubler la surface de notre structure et verra le jour en avril 2021. Nous souhaitons donc en profiter pour créer un accueil spécifique dans un espace dédié aux enfants, sous la surveillance d’une assistante maternelle.

Votre plus beau souvenir dans cette aventure ?

J’en ai tellement ! Sur le plan humain, des rencontres merveilleuses avec de nombreuses femmes et quelques hommes solidaires et très engagés sans lesquels rien n’aurait été possible.

Mais le moment le plus émouvant était peut-être notre soirée de lancement au théâtre Déjazet en septembre 2016 avec une incroyable équipe d’artistes complètement embarqués en faveur de notre cause, dont bien sûr notre magnifique marraine Inna Modja et la si percutante Élisabeth Quin.

 

 

 

 

La Maison des femmes

1 chemin du Moulin-Basset
93205 Saint-Denis
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