Conversation avec Chloé Levesque

Certaines rencontres agissent comme des révélateurs. Artiste plasticienne, Chloé Levesque crée des tableaux, mais pas que. De sa formation en design textile, elle s’exprime sur papier comme sur tissu à travers la couleur, élément central de l’identité du Monde Sauvage. D’une simple rencontre avec Béatrice est né un projet artistique avec celle qui a insufflé sa vision créative à la collection à travers une gamme chromatique et des motifs exclusifs.

Chloé, pouvez-vous vous présenter ?

Je suis artiste peintre et dessinatrice. Mon travail s’articule autour de la couleur et des traces du temps. J’ai été formée en design textile à l’École Duperré et à la Design School de Copenhague, puis j’ai travaillé pendant quinze ans dans la mode et l’ameublement. Ces années passées dans l’univers du textile nourrissent aujourd’hui ma démarche de plasticienne.

Depuis 2020, la Fondation Josef et Anni Albers soutient mon travail à travers des résidences au Sénégal et en Irlande. En 2022 j’ai également rejoint le collectif de femmes artistes : le Cercle de l’art.

Le Cercle de l’art

Partir en résidence 

Les résidences sont des parenthèses. Des moments hors du temps qui me permettent de me plonger pleinement dans mes projets. Je suis dans une bulle, je coupe avec l’extérieur. Mon quotidien est modifié. Le lieu dans lequel je suis, la lumière, les odeurs, la température tout est différent de mon quotidien à l’atelier à Paris. Souvent, dans ces moments privilégiés, s’opèrent des « déclics ». Et j’adore observer l’évolution de mon travail grâce à ces parenthèses.

Artiste inspirée

En réfléchissant à cette question, je réalise à quel point l’inspiration a un rôle différent pour moi en tant que designer ou en tant qu’artiste. En design, avec les rythmes des collections, j’utilise mes inspirations plus comme un assemblage d’informations que je glane à droite à gauche. On va retrouver ici une couleur vue dans un tableau, là un point de broderie issu d’un textile indien : je collecte plein d’inspirations que je vais ensuite réinterpréter en dessinant ces éléments sur un tissu, un papier peint et en les mixant les unes aux autres.

Dans mes œuvres, les inspirations infusent sur un temps plus long et de manière plus indirecte. J’essaie d’aller voir au moins une ou deux expositions par semaine, surtout de la peinture ou du dessin. Mais il y a aussi les paysages que je traverse lors de mes vacances. Je fais pas mal de randonnées à pied ou à vélo et j’adore voir les paysages défiler sous mes yeux. Je laisse mon regard se perdre et déambuler à l’intérieur, c’est comme dans une peinture.

J’ai aussi une passion pour les hôtels et les restaurants. J’ai pu parfois y ressentir la même excitation, les mêmes émotions que transmet une œuvre. Quand tout a été pensé, du choix des interrupteurs en passant par la petite carte de bienvenue ou la céramique pour présenter les crackers en amuse-bouche, moi ça me transporte ! J’adore vivre ce genre d’expérience et je sens que cela nourrit mon travail. Mes grands coups de cœur : les Fermes du vent à Cancale ou Datil, le restaurant de Manon Fleury.

Guidée par la couleur 

Mon travail sur la couleur évolue au fil des années, des résidences et des projets. J’ai commencé en 2020 par de petits dessins à l’acrylique et aux crayons de couleur, puis j’ai réalisé une série de collages lors d’une résidence en Sicile. Au Sénégal j’ai créé un nuancier de 500 couleurs à l’encre et aux crayons de couleur qui m’a permis de travailler sur des compositions géométriques inspirées de mon environnement et des œuvres de Josef et Anni Albers. Et en 2023, les formes ont « explosé » suite à une résidence sur la côte sud de l’Irlande. Les paysages et les éléments étaient tellement puissants que les espaces délimités ont disparu et le mouvement est apparu dans mon travail. Depuis j’essaie de pousser cette piste-là, en agrandissant les formats et en faisant évoluer les supports. Je reviens d’une résidence dans un château en Anjou où j’ai pu travailler de très grands formats en peignant sur de vieux draps au sol, avec des jus d’acrylique. Une super expérience !

Collaboration & édition

Je travaille en ce moment sur un projet en Italie où des collages réalisés en Sicile il y a quelques années vont être agrandis pour recouvrir les murs des salles de bains d’une maison d’hôtes dans les Pouilles. L’une de mes aquarelles est également devenue un tapis, édité chez Roche Bobois. Côté hôtellerie, ’ai créé un papier peint pour un lobby d’hôtel à Bastille (Le petit Beaumarchais) et je viens de terminer une commande de cinq œuvres pour un appart-hôtel dessiné par Chloé Nègre.

J’aime créer des ponts entre mon travail de plasticienne et mon expérience de designer textile, jouer avec les supports, les contraintes d’un lieu, d’un objet. C’est aussi une manière de découvrir de nouveaux savoir-faire et d’enrichir mon travail.

L’invitée LMS 

J’ai accompagné Béatrice dans l’élaboration de la nouvelle collection grâce à un travail sur la couleur et en apportant mes influences artistiques. À la suite de cette collaboration, j’ai réalisé une série d’œuvres en lien avec les couleurs de la collection. Pour moi, Le Monde Sauvage incarne la richesse des textiles et des savoir-faire des artisans avec lesquels ils travaillent. Je me souviens d’aller étudiante dans la boutique rue de Sévigné pour découvrir les piles de tissus venus du monde entier. Cela me faisait rêver et voyager.

Quand nous avons fait les travaux dans notre appartement, avec ma compagne, nous avons eu l’idée d’utiliser le papier peint Triangle noir pour faire une crédence en le recouvrant de vernis bistrot. Grâce à ça j’ai l’impression de voyager un peu dès que je rentre à la maison.

Votre projet de rêve ?

Collaborer avec un(e) architecte d’intérieur sur un projet d’hôtel ou de restaurant de manière globale. J’adorerais créer des œuvres et imaginer un dialogue avec différents éléments d’un lieu en travaillant sur des supports et des échelles diverses : concevoir une fresque, la vaisselle du restaurant, du linge de maison ou encore la moquette des couloirs. Un projet global en résonance avec le travail de l’architecte.

chloelevesque.fr I @chloe_levesque

📷 Antoine Sorel I Guillaume Belvèze